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Blog d'auteur

Bienvenue. Après trois romans policiers, venez lire mon petit roman fantastique gratuit, L’Étrange monsieur Sergent...

L’Étrange monsieur Sergent (1) Colin est mort

Cet été, retrouvez un roman fantastique inédit, « L’Étrange monsieur Sergent ». Un homme ordinaire plongé au cœur d’aventures extraordinaires.

5 août 2016
Comme chaque matin, j’avais ouvert ma boîte aux lettres. Un courrier m’attendait. Sans mention particulière, il ne s’agissait pas d’une publicité, ni même des impôts qui se rappelaient sans cesse à mon bon souvenir. Bien décidé à découvrir ce que pouvait contenir l’enveloppe, je remontai l’escalier précipitamment quatre à quatre, et là, en l’ouvrant, j’en étais resté littéralement comme deux ronds de flanc.

Au fond, tout avait commencé hier soir d’une façon assez bizarre…

Une jeune femme présentait la météo.

« Demain, il fera beau. 25° à Biarritz, 20° à Paris, 22° à Grenoble, 21° à Strasbourg et à Lyon ». Assis dans mon canapé, je me faisais la réflexion que, depuis plusieurs années déjà, la télévision, tout entière orientée vers le spectacle, s’agenouillait constamment devant le dieu société de consommation et au concept de la bimbo qui devait afficher ses seins plus hauts que le soleil, les nuages ou la pluie. Cela devait servir à ce que le spectateur mâle, tout émoustillé qu’il fût, ne zappe pas et que madame, assise à côté de son gros porc de mari, commente la tenue de la jeune femme, en bien ou en mal. Peut-être qu’elle aussi, elle achèterait, le lendemain ou peut-être le soir même, ce type de vêtement par Internet ou dans un grand magasin.

Vous me direz que c’est un point de vue, que j’exagère, c’est possible, mais juste un peu alors… Je me souviens même des mots que j’ai prononcés :

— Y a juste un problème. La fille qu’est là dans la lucarne, juste en face de toi, elle ne te ressemble pas, mais alors pas du tout ! Déjà, elle n’a pas ton âge, elle a au moins dix ans de moins, ensuite ses mensurations ne correspondent pas vraiment aux tiennes, sauf ton respect…

Putain, oui, je parlais tout seul, hier soir, comme un con à une femme qui n’était plus là. La mienne m’avait quittée deux ans auparavant. Je ne me l’étais jamais expliqué, la crise de la quarantaine peut-être ?

Toujours est-il que je fis l’effort de ne plus rien dire en ma présence. J’avais raté l’annonce du saint ou de la sainte que l’on allait célébrer le lendemain, mais franchement, quelle importance ça pouvait bien faire d’honorer les Jacques, Paul, Alphonse, Joseph ou bien Jules ? Les Saints, plus personne n’en avait que faire. Quant à autrui, chacun trouvait toujours une raison pour s’en désintéresser… En ce qui me concernait, ça m’était égal que ma fête ait lieu le 12 février ou le 14 juillet, puisque rien ne m’arrivait ce jour-là, comme les autres jours d’ailleurs…En tout cas, c’est ce que je croyais à ce moment-là…

Après ce constat d’insipidité, j’en revins alors à mon premier sujet de cogitations intellectuelles, ayant décidé depuis le 1er janvier qu’il fallait mettre de l’ordre dans mes neurones. La météo n’était donc devenue intéressante qu’à coup de décolletés. J’en étais arrivé à cette conclusion alors que, comme disait Freddy Mercury, « The show must go on », les programmes devaient continuer, en l’occurrence les yeux du téléspectateur moyen subissaient le long défilé des publicités qui nous abreuvaient avec ses images dégoulinantes de confitures ou de crème fraîche… Et bizarrement, je commençai à nuancer mes propos. Il ne fallait pas blâmer les hommes et plus exactement les femmes qui utilisaient leur charme afin d’assurer leur propre survie et dont les familles mangeaient grâce aux gouttes de leur sueur télévisuelle.

Un deuxième éclair de lucidité vint me frapper presque aussitôt. Dans un seul cas, la présentatrice météorologique pouvait être sérieuse et sobre dans sa tenue vestimentaire. Mais, à son corps défendant, il s’agissait aussi d’un spectacle, du moins d’un spectacle à venir, celle des tempêtes qui nous touchaient désormais régulièrement, nous, un pays dit « tempéré », avec des vents à 130 kilomètres par heure. Certes, on était loin des tornades de plus de 200 kilomètres par heure aux États-Unis ou aux Caraïbes, mais nous n’y étions pas habitués et cela faisait généralement, quand même, quelques morts, de quoi abreuver largement en tout cas le journal télévisé du lendemain. Alors là, oui, Miss Météo nous disait que l’on passait en alerte orange, en alerte rouge, rentrez chez vous et tous aux abris…

Et voici venir maintenant le jour d’après… Le journal télévisé se délecte de tout ça et fait un petit peu d’information avec tout autour beaucoup de sensationnel. C’est comme une petite glace avec beaucoup de Chantilly autour. Les infos à la télé sont devenues un divertissement. Quand le père Gilbert nous montre pendant cinq minutes comment construire une brouette avec trois planches à bois à Tartanfouille-les-Eaux, c’est épatant ! Dans le même journal, on consacre trente secondes à quatre Français enlevés sur leur yacht au large du Soudan, deux minutes aux forces d’intervention qui les ont secourus et autant à une ministre de la Défense qui se félicite d’avoir à elle seule, si on l’écoute attentivement, avec ses petits bras musclés, sauvé la planète tout entière. Oui, ça se passe comme ça de nos jours, il faut que le bon peuple écoute et marche comme un seul homme. La propagande est la mamelle non seulement du pouvoir, mais aussi de la consommation. Les gens peuvent acheter les yeux fermés, la chaîne de télévision est là pour ouvrir grand le tiroir-caisse aux annonceurs.

Et puis, il reste vingt secondes pour nous dire qu’il y a eu quarante morts en Afghanistan et une simple annonce de cinq secondes a suffi pour enterrer les milliers de victimes provoquées par la guerre civile au Sri Lanka. Plus ils sont éloignés, moins les morts nous intéressent.

Pourtant, il y a là un beau le concept, imaginez, une femme à demi nue, du sang, des larmes, des annonces en continu, des victimes en pagaille, civiles, militaires, et même animales, tout cela aux quatre coins de la planète, pourquoi pas ? Minute, j’y pense, n’enfreignant pas la loi du « Tu te tairas parce que tu es tout seul, tu dois penser en silence », ça n’existe pas déjà ce genre d’émissions ? Elles ne passeraient pas en continu sur les chaînes que l’on appelle improprement d’informations ?

Ce matin, j’ai donc reçu une lettre qui m’a fait l’effet d’une bombe avec simplement ces quelques mots : « Colin est mort ».

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