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Blog d'auteur

Bienvenue. Après trois romans policiers, venez lire mon petit roman fantastique gratuit, L’Étrange monsieur Sergent...

Implosions (1)

Voici le premier chapitre de mon nouveau roman policier. Sortie en septembre.

N'hésitez pas à réagir et à commenter. Merci.

 

1. Génocide

Rwanda – 1994.

Ce soir-là, le soleil se coucha en prenant une teinte particulièrement rougeoyante. Le ciel entier s’embrasa, veiné d’on ne sait quel or. Le pourpre, seul, dominait. Ç’aurait pu être un spectacle magnifique si un homme à demi assis ne venait pas, au fond, de se relever des morts. Il fixa l’astre comme si c’était la fin des temps, comme si l’obscur allait tout engloutir, les hommes, les animaux, la nature tout entière et toutes les civilisations. Il toucha son bras pour s’assurer qu’il appartenait encore bien au monde des vivants. Sa tête lui faisait mal. Il passa sa main sur son cuir chevelu et la ramena devant ses yeux. La vue du sang le fit gémir. Il ne réalisait pas ce qu’il venait de vivre. Autour de lui, ce n’était plus que feu, débris et gravats. Les maisons du village brûlaient. Une odeur de mort régnait partout dans les rues et en dehors, la nature tout entière s’en trouvait elle-même imprégnée.

Pétrifié, il esquissa un mouvement vers la droite et le regretta presque aussitôt. Il aurait préféré être changé en statue de pierre par les Gorgones au lieu de voir sa femme baignée dans un sang aussi noir que l’âme de ceux qui l’avaient tué. Il aperçut d’autres corps plus loin et ne put s’empêcher d’avoir un haut-le-cœur et de remettre le peu qu’il avait mangé durant la journée. Il se releva péniblement, affligé de toutes les peines du monde.

Soudainement, au milieu du chaos, les cris d’un bébé lui parvinrent comme ceux d’un être perdu au cœur de l’Apocalypse.

Il ressentit comme un électrochoc. La scène défila devant lui, tel un scénario implacable que rien ni personne n’aurait pu arrêter. Sauf que ce n’était pas un film. Cela avait commencé par des cris sourds et inquiétants. Modeste et Rosélyne avaient stoppé net leur repas. L’homme s’était levé de table et était allé voir à la fenêtre. Les miliciens, arrivés en grand nombre, machettes à la main, s’occupaient silencieusement des premières maisons. Modeste n’avait eu qu’à regarder sa femme pour qu’elle comprenne le danger. Elle avait arraché son enfant du berceau et ils s’étaient enfuis par l’arrière de leur maison en terre. Mais déjà, les miliciens avaient défoncé leur porte et étaient à leurs trousses dans les allées du village. Ce fut Rosélyne qui trébucha la première, son enfant entre les bras. Courir avec une robe n’était pas chose aisée et ce fut pour elle un handicap insurmontable en étant poursuivie par des hommes jeunes et déterminés. Modeste, revenu en arrière, voulut la protéger, mais l’un des barbares, le plus rapide d’entre eux, précisément l’un de ses anciens camarades d’école, l’intercepta et lui asséna un coup de gourdin qui le mit à terre.

— Tiens, sale Tutsi, tu l’as bien mérité !

Étant dans l’incapacité de bouger, il avait entendu ensuite vaguement des cris, ceux de sa femme que les miliciens étaient en train de massacrer… Ils devaient penser qu’il était mort.

Les yeux exorbités, mû par l’instinct de survie, il marcha rapidement en direction de l’enfant. Il le prit entre ses bras, regarda tout autour de lui, et implora le ciel, baignant ses joues d’autant de larmes que le nourrisson. Il fut incapable de crier. Tout était en lui, une violence d’une force incroyable circulait dans ses poumons. Il n’arrivait pas à l’expulser. Il fallait réfléchir et au plus vite trouver un endroit où le bébé pourrait être nourri et en sécurité. Il eut encore la force de creuser un trou et d’y enterrer sa femme.

Le soleil s’était définitivement couché, battu ce jour-là par des hommes qui n’avaient d’Homme que le nom. Le Mal avait connu un de ces jours de triomphe dont l’humanité ressortait perdante.




 

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G
Début prometteur.... on attend la suite sur papier... bonne chance !!!!
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M
Merci :-)