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Blog d'auteur

Bienvenue. Après trois romans policiers, venez lire mon petit roman fantastique gratuit, L’Étrange monsieur Sergent...

Implosion (6)

6ème épisode. Retour sur un passé douloureux...

 

Chaque nuit, Modeste se réveillait en sueur en refaisant l’un de ses nombreux cauchemars. Il se revoyait en 1994 dans sa ville de Gitarama, située à 50 km de la capitale Kigali. Une femme l’avait recueillie. Il ne savait pas comment elle avait fait, mais il s’était retrouvé dans un lit, haletant de fièvre, puis, jour après jour, cette dernière s’était estompée. La femme était venue le voir plusieurs fois par jour, lui donnait à manger, passait des compresses sur son crâne défoncé et son corps meurtri. Elle s’occupait aussi du bébé en le nourrissant avec l’un de ses seins, l’autre étant occupé avec son propre enfant. Assise en face de lui, Modeste avait joui du spectacle de cette femme aux formes généreuse. Elle lui avait dit son prénom : Kintiya. Il avait repris des forces. Le mois de mai arriva en même temps que des militaires du Front Patriotique Rwandais.

Il avait entendu des grands cris. Kintiya avait déboulé dans la pièce en portant les deux bébés. Ils les firent asseoir sur le lit. Ils s’adressèrent à Modeste, intrigués par ses pansements et ses bandelettes qui lui barraient une bonne partie de la tête.

-          Qui es-tu, que t’est-il arrivé ? avait demandé l’homme en pointant son doigt sur sa propre tête.

-          Je suis Modeste Kirambali, voici ma femme et mes deux enfants. Les Hutus ont massacré notre village et une partie de notre famille.

Heureusement, les deux bébés étaient du même âge et l’on ne pouvait pas spécialement leur trouver de grandes dissemblances.

-          Nous sommes les ennemis des génocidaires hutus, les fiers guerriers du FPR, donc vous êtes nos amis.

Les deux militaires étaient sortis de la maison en les laissant tranquilles. Ils les avaient entendus dire :

-          C’est bon, tout est nettoyé dans cette maison.

Ils avaient attendu ensuite terrés au fond de la maison que les cris cessent. Le calme revenu, ils avaient décidé de partir.

 

 

Chaque soir, il revivait les événements qui avaient bouleversé sa vie.

Sur les routes entre Guitarama et Nyabikenke - 1994

Modeste se revoyait sur les routes en compagnie d’un grand nombre d’autres réfugiés. Ils étaient partis pour Nyabikenke. Malgré le soleil, la peur les faisait tous avancer d’un pas décidé, les soldats du FPR ne valaient pas mieux que les hinterhamwe, la violence ne s’arrêterait donc jamais ? Tout à coup, il les avaient vus tirer, de la foule même, des réfugiés s’en prenaient aux autres réfugiés. Le temps de comprendre, il s’était retrouvé à terre. Il avait aperçu Kintiya agenouillée, du sang sur les mains, les yeux exorbités de terreur, les deux bébés sur les genoux. Elle avait pris l’un d’eux avec elle. Les tirs s’étaient calmés. Passé le moment de stupeur, il la fit asseoir au milieu des cris et des pleurs, du tumulte qui régnait au milieu du chemin. Le bébé de Modeste, assis, avait marché à quatre pattes vers lui. Kintiya continuait de serrer très fort son bébé. Modeste s’était rapproché pour voir ce qu’avait ce dernier, mais personne n’aurait pu à ce moment-là arracher son enfant à sa mère. L’enfant était mort, touché par une balle. Les larmes de Kintiya avaient coulé sans discontinuer et elle était restée prostrée pendant des heures.

Quelques rescapés les avaient aidés, notamment un couple qui possédait une charrette. On y avait mis la femme et l’enfant mort qu’elle ne voulait pas lâcher. Modeste porta lui-même le sien.

Ils étaient arrivés à la nuit à l’hôpital. Au milieu du chaos, Kintiya et son enfant furent transportés dans un coin. Un médecin était passé et, aidé par deux autres personnes, réussit à faire une piqure à la femme, qui finit par s’endormir. Modeste avait vu les yeux de l’enfant mort que l’on recouvrit d’un linceul. L’incompréhension, le désespoir, mais aussi la colère et la haine l’envahirent dans tout son être.

 

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